L'Humour et autres essais

Luigi Pirandello

«On pourrait dire que non seulement l'artiste, mais pour personne il n'existe de représentation, qu'elle soit créée par l'art ou qu'elle soit celle dque tous, nous nous faisons de nous-mêmes, des autres et de la vie, que l'on puisse croire une réalité. C'est, au fond, une même illusion que celle de l'art et celle qui nous vient de nos sens. Néanmoins, nous appelons vraie celle de nos sens et feinte celle de l'art. Entre l'une et l'autre illusions, la différence n'est cependant as uen question de réalité, mais plutôt de volonté, et seulement dans la mesure où la fiction de l'art est voulue pour elle-même et aimée pour elle-même, de manière désintéressée; alors que l'illusion des sens, ce n'est pas à nous de la vouloir ou de na pas la vouloir : nous l'avons, comme les sens la produisent. L'une est libre et l'autre ne l'est pas. Et la fiction des sens est donc une image ou une forme de sensations, alors que l'autre, celle de l'art, est création de forme.
Dans de fulgurantes analyses, le prix Nobel sicilien traque la vérité et le mensonge, la fiction et la réalité, les faux-semblants et leurs représentations, avec une perspicacité qui n'a d'égale que son érudition. Le grand dramaturge, dont l'oeuvre tout entière est dominée par le problème de l'illusion et du jeu des rôles, manifeste ici des qualités incomparables de théoricien de la littérature. Héraclite ou Démocrite? Les pleurs ou le rire? Pirandello, maître de l'ironie, s'interroge, dans ces essais qui ont été publiés en Italie entre 1890 et 1910, sur la fonction de l'humour dans l'histoire littéraire.Don Quichotte, Les Fiancés, Roland Furieux, La Divine Comédie, mais aussi les textes les plus secrets de la Renaissance italienne sont ici interprétés à la lumière du comique. L'humour n'est-il pas la clé qui ouvre les portes de l'art? Conscient de vivre à une époque charnière, Pirandello met en cause le destin de la langue italienne, l'avenir de la littérature et l'écolution du langage cinématographique.
Né le 28 juin 1867, Luigi Pirandello est mort en 1936. Ces essais, dans leur ensemble, paraissent en français pour la première fois.